La désagrégation des éléments en organes indépendants rejoint dans Les rouilles encagées de B. Péret les délires de H. Bellmer et la combinatoire dionysiaque étudiée par J. Brun, teintée ici d'une cruauté sadienne qui traverse tout le texte, notamment dans la parodie des chansons de geste qui sert de caricature anti-militariste («il saisit son membre et en frappa toute sa famille à coups redoublés (...) frappant à tour de bras avec sa redoutable pine, décapitant les uns, éventrant les autres, cependant que derrière lui sa mère (...) se branlait avec les membres que, dans sa rage, il avait brisés et qui gisaient, sanglants, par toute la pièce», id, 185). Dans ce délire rabelaisien, les cons se réfugient dans la cheminée «et une grande bataille s'engagea entre eux pour la possession définitive du membre dégonflé de Pissat»(id, ibid.).
Parallèlement au mouvement de désagrégation, tout se métamorphose dans cet orgasme collectif: «le chien se fit rapidement miroir et une des femmes le saisit, le mit entre ses jambes et continua de se branler avec plus d'ardeur que jamais (...) le miroir devint semblable à une mer grosse, puis (...) se hérissa de pines qui, peu à peu, se fondirent en une seule, énorme (...) sur lequel les veines dessinaient tout un poème hiéroglyphique»(id, 175). Du verre de porto «jaillit une énorme colonne de mousse qui prit vite des contours féminins», que le vicomte «pénétra comme un autobus dans un magasin de porcelaine»(id, 177).
Un mouvement d'attraction magnétique fusionne le tout («les femmes étaient attirées magnétiquement par les pines dont la rue était hérissée et venaient s'y empaler malgré elles», id, 188), tandis que le foutre envahit littéralement cet espace qui devient un cosmos héraclitéen en ébullition: «le foutre s'enroula autour des pieds des chaises et des tables, pénétra dans les meubles qu'il féconda avec de grands hurlements», puis «le niveau du foutre montait de plus en plus et les enfants commencèrent à faire la planche à la surface (...) Le foutre montait toujours... Tous, hommes et femmes, commencèrent à avoir peur (...) en songeant au sort de Pompéi qu'avait noyée le foutre du Vésuve»(id, 186)...
La parodie de film pornographique, genre qu´Eluard, Aragon et plusieurs autres surréalistes adoraient (Péret et Buñuel auraient même projeté la réalisation sous le manteau d'un specimen évidemment anticlérical) rejoint le «péplum» catastrophique dans une apothéose dionysiaque qui eût surpris Nietzsche lui-même: «D'un seul élan, il [le foutre] se précipita dans la rue, entraînant avec lui toute la famille qui maintenant ne se tenait plus de joie (...) la rue se remplissait de foutre qui bondissait jusqu'à l'intérieur des voitures, renversant et entraînant les passants qui avaient oublié de bander à son approche»(id, 193)...
Ps. Pour une étude plus poussée de la question orgiastico-moderne je me permets de renvoyer à mon article «De l'orgie à la partouse », téléchargeable sur
www.uv.es/~dpujante/PDF/CAP2/A/A_Dominguez.pdf
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