Dès que la figure de la femme dessus retrouve sa spécificité, au-delà du catalogue banalisé des postures, réapparaît l’ancienne hantise de la bacchante déchaînée.
Ainsi la célèbre ouverture de Basic Instinct présente elle une femme blonde (sur l’identité de laquelle reposera tout le mystère du film[1]) qui possède de la sorte, après l'avoir attachée, une ancienne star du rock avant de la trucider avec un pic à glace (instrument déjà mythique dans l’arsenal du giallo et du gore).
Le jeu métafictionnel du film tournera autour de cette scénographie de l’insurrection féminine (qui peut être lue comme préfiguration de l’affaire Lorena Bobbit qui éclata un an après la parution du film). Catherine Trammel (l’inoubliable Sharon Stone) avait en effet décrit cette scène jusque dans les moindres détails dans un de ses romans à succès.
L’écho de la première scène revient dans la clôture du film, également célèbre, dans laquelle le détective Nick Curran (un magnifique Michael Douglas, vivant écho des anti-héros noirs incarnés par son père dans les fifties) et Trammel sont enfin réunis pour « la baise du siècle». Lorsque Nick tourne son dos, Catherine plonge sa main sous le lit, puis, après une brève hésitation, la remonte, vide, vers son amant.
La caméra plonge sous le lit et nous montre le détail du pic à glace meurtrier et (ironiquement) über-phallique.
Renversement dans le renversement comme l’affectionne le « néo-noir », cette image finale clôt le film sur lui-même dans une réversibilité angoissante, retour en force de la panique misogyne du film noir classique dans le contexte de la « féminisation de la culture américaine ».
La femme dessus, on le voit, garde entier son potentiel subversif pour le « regard mâle » (male gaze) qui orchestre, aujourd’hui encore, la discours filmique.
Le débat sur le sens de cette subversion reste, quant à lui, encore ouvert, opposant les partisans du « empowerment » féminin que représenta l’icône Stone aux critiques du versant gynécide et phallo-dépressif du « noir » ressuscité.
[1] Pour ceux que cette anatomie de rêve intéresse, il s’agit bel et bien de celle de Sharon Stone, qui refusa (self-publicity ? conscience professionnelle ? perversité ?) d’être doublée. L’énigme narratif s’inscrit ainsi dans la chair elle-même, jouant sur la fragmentation médiatique du corps starisé. Rappelons aussi, pour les nostalgiques de célébrités nues, que le rôle de Trammel fut rejeté par Julia Roberts, Meg Ryan, Nicole Kidman, Jodie Foster, Mariel Hemingway et Geena Davis. La face ( ?) du cinéma en eût été, dans chaque cas, changée…