Suite à la codification croissante du discours érotique, la figure de la femme dessus prend place dans la systématique combinatoire qui accompagne la prolifération des catalogues des postures sexuelles.
Le roman voyeuriste de Raymond Guérin L’Apprenti (1946) illustre ce nouveau régime de la figure, le style (de « transition ») hésitant entre réalisme sale et préciosité.
D’où la tension, autour de l’ancien interdit, entre l’abondance d’images (décevantes) qui vont de la « barque » à la « chèvre », en passant par les « poires » et la rhétorique naturaliste (car le dirty realism est bel et bien un naturalisme), proche de notre cher Zichy.
Symptomatiquement la logique triomphale de la femme est inversée, c’est elle la « crucifiée » et l’« égorgée » selon une fantasmatique sacrificielle qui renvoie à « l’écriture mâle » de Miller, dénoncée par Kate Millet dans le célèbre Sexual Politics. Animalisée (c’est elle la chèvre, comme diraient les étudiants d’aujourd’hui, et elle hurle) elle est, selon la tradition misogyne de la femme « naturelle » (c’est aussi elle le poirier) et presque matérique, proche de l’abject (des bulles de salive, etc). L’insistence sur la femme « prise », « possédée » et « dépossédée » se situe dans cette inversion de la menace de la femme dessus.
« La femme se remuait maintenant, imperceptiblement, sur l’homme qui l’avait prise. Comme une barque sur la mer calme. M. Hermès sentait la moiteur de ses paumes sur les genoux de son pantalon de pyjama….Quand la femme commença à gémir, M. Hermès fut déçu, oui : presque déçu. Cela avait monté trop vite. La femme creusait et gonflait ses reins comme une chèvre. L’homme, sur le dos, restait inerte, souriant. Il tenait les seins de la femme entre ses mains, comme des poires qu’il aurait voulu cueillir. Il semblait l’attendre. Mais, très vite, la femme ne fut plus qu’une chair qui roule, qui se brise sous le déferlement d’une force liquide et qui sombre. Elle battait l’air de la tête, les cheveux fous, comme irritée. Elle cria. Elle cria de plus en plus fort Elle avait perdu tout contrôle. Possédée, elle ne se possédait plus. Elle se débattait furieusement contre une résistance qui s’acharnait en elle. Elle s’était finalement dressée sur ses bras graciles, comme crucifiée, raidie, douloureusement raidie dans un spasme qui irradiait son visage. Puis elle hoqueta, des bulles de salive autour des lèvres. Et, les cheveux collés par la sueur sur les tempes, elle hurla tout d’un coup dans la nuit telle une égorgée, avant de s’abattre sur le corps de l’homme ».
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