Contemporain du terme et des premiers mouvements d'avant-garde, le «dionysien» nietzschéen est avant tout «un désir d'unité, un dépassement de la personne, de la vie quotidienne, de la société, de la réalité, lequel est un abîme d'oubli; le débordement passionné et douloureux qui s'épanche dans des états plus obscurs, plus pleins, plus flottants; une affirmation extasiée de l'existence dans son ensemble, toujours égale à elle-même à travers tous les changements (...) La grande participation panthéiste à toute joie et à toute peine, qui, du fond d'une éternelle volonté de procréation, de fécondité, d'éternité, approuve et sanctifie même les qualités les plus effroyables et les plus énigmatiques de la vie: en tant que sentiment de l'union nécessaire entre la création et la destruction» (in Goedert, 1977: 372).
Dans cette «joie (Lust) du devenir lui-même, cette joie qui comporte la joie de l'anéantissement (Vernichten)»(EH, NT § 3), où Nietzsche s'autoproclame le «premier philosophe tragique), il joue à inventer ainsi une véritable «religion d'artiste» (Schaeffer,1992: 296), où la volonté de créer s'oppose sans cesse à la détresse de la volonté d'adorer: «nous voulons devenir ce que nous sommes - les nouveaux, les uniques, les incomparables, ceux qui se donnent leur propre loi, ceux qui se créent eux-mêmes»(GS, § 335).
C'est là un condensé des formules que l'on retrouve par la suite dans les manifestes, proclamations et programmes des différentes avant-gardes, dans une lignée qui va des formes hétérodoxes du symbolisme contemporaines de Nietzsche lui-même jusqu'au(x) surréalisme(s), en passant par des centaines de -ismes dont H. Meschonnic évoque, en un catalogue humoristique, la prolifération, de l'acméisme russe au zénitisme yougoslave (1988: 60).
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