vendredi 3 février 2012

De l'animalité bataillienne aux sexy teddies 6





















Ainsi, lorsque la belle Megan Fox, dont je parlais précédemment, posa avec ses nounours pour FHM, ce fut certes dans une tenue et des positions pour le moins évocatrices – brassière de satin ou de fines dentelles, culotte à rubans et à lacets, posture d’odalisque ou à croupetons sur son vaste lit. Mais ce ne fut point nue. De même lorsque que Paris Hilton, vêtue d’une simple culotte d’organsin jaune, étouffa un magnifique ursidé de peluche dans FHM/GQ, c’était pour dire le plus sérieusement du monde qu’elle avait laissé choir Cristiano Ronaldo parce qu’elle refusait de se contenter d’être une femme de footballeur. Il est assez agaçant de penser qu’elle eût tout aussi bien pu dire, quelques mois auparavant et dans une tenue pareillement « bandative », pour reprendre un terme cher à Apollinaire et à Céline, qu’elle vivait avec son sportif parce qu’elle refusait d’être simplement une héritière multimillionaire. Pourquoi donc Paris Hilton, qui a grandi au Waldorf-Astoria, sur Park Avenue, et qui fut élevée dans les meilleures écoles (Buckley, Canterbury, Dwight), aime tant à jouer un rôle de petite fille simplette. Tout simplement parce qu’à l’époque postmoderne, ce n’est plus la violence qui est érotisée, comme chez Georges Bataille, c’est la niaiserie et une forme singulière de futilité, sinon de sottise qui le sont, comme chez Françoise Rey. Ainsi, lorsque, en janvier 2011, dans Allure, Jennifer Aniston minauda avec son ours, vêtue d’un pyjama qui la laissait pour le moins débraillée, c’était, disait-elle, pour livrer ses secrets les plus intimes (I’m willing to share my most intimate secrets). Les uns s’attendaient à des révélations métaphysiques, d’autres à une confession sur le mode rousseauiste, certains enfin à des confidences croustillantes sur les performances érotiques de Brad Pitt. Tous furent déçus en lisant : « the truth about natural skin care » ! Notre postmodernité correspond bien, partiellement, à une valorisation sans précédent tantôt de la déresponsabilisation, tantôt d’une manière d’infantilisiation obscène ; et dans le domaine de la sexualité aussi – érotisme et pornogaphie, qu’importe – règne l’infantocratie cet « idéal de l’enfance imposé à l’humanité »1. Pour s’en convaincre, il n’est qu’à considérer Vanessa Hudgens promener, à plus de vingt-trois ans, son ours en le tenant par la patte comme une enfant, envoyant sans cesse, de sa main restée libre, des textos que l’on imagine sans peine truffé de smileys – avec une façon très adulte, pourtant, de se déhancher, sur un mode qui rappelle à l’esthète la statuaire hellénistique. Il y aurait sans doute beaucoup à dire de cet érotisme associant curieusement l’innocence un peu bête de l’extrême jeunesse et la perversité des vrais libertins.










1 Milan Kundera, L’Art du roman, Paris, Gallimard, 1986, p.59.

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