samedi 4 février 2012

De l'animalité bataillienne aux sexy teddies 7






















Il me semble qu’il faudrait notamment le rapprocher du concept américain de care ou de la notion japonaise d’amae (甘え) qui indique à quel point la mutation postmoderne a rétabli le matriarcat1. Au demeurant, la sensualité nippone et son pendant continental qu’est la lasciveté coréenne (sud-coréenne, cela va sans dire !), qui valorisent tellement l’adolescence, multiplient, de façon littéralement extraordinaire, les représentations des Sexy Teddies. Je pense notamment aux belles photographies de Gu-Ji-Sung et, plus encore, de Im So Yeon, autre mannequin coréen – auxquelles il faudrait ajouter Lee Ji Woo et Kim Tae Hee qui sont aussi de grandes ursophiles dont les regards expriment toujours une tendre inflexibilité. Car la postmodernité n’est pas seulement le siècle de l’érotisation de la puérilité. C’est aussi le règne de l’homo festivus – qui, « désinhibé à mort », « fait la fête, mais [...] ne rit pas parce qu’il est plus ou moins retombé en enfance et que le rire suppose un fond d’incertitude dont l’enfant a horreur »2 – et de l’homo sentimentalis, cet individu qui érige les grands sentiments en valeur, qui les hystérise, au sens où « hystériser, c’est mettre du désir, de la libido là où, au premier abord, il n’y a pas lieu d’en mettre », au sens où « c’est faire naître dans le corps de l’autre un foyer ardent de libido [...], c’est érotiser une expression humaine quelle qu’elle soit alors que par elle-même, intimement, elle n’était pas de nature sexuelle »3. C’est ce que font les stars qui, enthousiasmées par de grandes causes – famines, maladies orphelines, raz-de-marée – n’hésitent point à se dévêtir pour elles, érotisant ainsi les causes qu’elles défendent. Et voilà que reparaissent les ours voluptueux ! Britney Spears, l’interprète inoubliable de Oops!... I did it again, chef-d’œuvre absolu du néo-baroque, enserrant un Teddy Bear qui, bien plus vêtu qu’elle, porte un lainage aux armes de sa fondation, laquelle a pour but d’offrir aux enfants pauvres des vacances dans un « camp » où ils auront la chance de suivre des cours de danse et de chant (« to send the children and youngsters of limited means on a summer camp, where they can learn to sing and dance and work with other forms of art »). L’ours grimpe bientôt sur les épaules de la chanteuse qui, en contrapposto (attitude baroque, s’il en est), porte seulement un bikini à pois et des talons aiguilles. Les paupières à demi-baissées, son regard allie la provocation, la séduction, la candeur. Jamais l’indigence n’a été si séduisante et nombreux sont ceux qui accueilleraient sereins la misère la plus noire pour aller en « camp » apprendre à danser avec cette baladine, disons, le menuet baroque.










1 Michel Maffesoli, La Part du Diable (précis de subversion postmoderne), Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2002.
2 Philippe Muray, Festivus Festivus, Paris, Fayard, 2005, p.35.
3 Juan-David Nasio, L’Hystérie, ou l’enfant magnifique de la psychanalyse, Paris, Payot, 2001, p.74.

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