D’une part, le pensionnat, dans le cadre érotique, reproduit très souvent le motif, plus ancien, du couvent – qui, lui-même est une sorte de geôle, présenté tantôt sur un mode menaçant, tantôt, au contraire, sur un mode hédoniste. On se souvient, dans le premier cas, dans La Religieuse (1780-1782) de Diderot, des humiliations que Sainte-Christine fait subir à la pauvre Suzanne. Dans le film, La Monaca nel Peccato (1986), la jeune Suzanne – référence directe au roman-mémoires diderotien – découvre que la vie des nonnes cloîtrées n’est pas aussi paisible qu’elle se l’imaginait et que les débordements sexuels sont le quotidien des novices. Mais – et c’est là un fait remarquable – les tópoï érotiques rejoignent, dans le film de Joe d’Amato, les clichés du fantastique et de l’horror movie. C’est que la nunsploitation, dépendant à la fois de la libération des mœurs et du déclin de la religion catholique en Europe, a joué un rôle essentiel dans la constitution de ce vaste imaginaire dont la représentation licencieuse du pensionnat de jeunes filles dépend encore aujourd’hui. Dans Alucarda, la hija de las tinieblas (1975), ainsi, le couvent est une institution scolaire conforme au château de la Carmilla (1871) de Le Fanu qui a servi de modèle au film. Bientôt, l’internat devient une cacotopie, voire une dystopie, en tout cas un monde de tortures épouvantables. De même, dans The School of the Holly Beast (1974), le film érotique s’oriente vers le genre du rape and revenge, ce sous-genre du cinéma d’exploitation qui, depuis la fin des années 1960, s’inscrit à la croisée du thriller et du cinéma terrifique, tandis que dans Posesión de una adolescente (1979), l’érotique devient trash, décalé, à la croisée de l’underground et de la contre-culture. Toutes ces remarques ne valent pas seulement pour le cinéma de Juan López Moctezuma ou d’Andrea Bianchi mais aussi bien pour la bande dessinée comme le met en lumière l’exemple d’O Covento infernal (1995), l’apologue pornographique de Ricardo Barreiro et Ignacio Noé. Cet album – au graphisme outrageusement étrange – avait en son temps passionné les amateurs de fictions démoniaques bien au-delà de l’Espagne. Il continue d’emprégner thématiquement des romans comme Boarding School Slave (2007) de J. W. McKenna ou College Girl (2005), récit dans lequel Cat Scarlett rapporte les mésaventures érotiques de la jeune Beth au St Nectan’s College — département parfaitement fictif de la prestigieuse université d’Oxford. Il semble ainsi que le monde conventuel ait fixé les motifs qui fondent et nourrissent toutes les fictions du pensionnat : le dérèglement, l’irrégulier, l’illégitime — trois valeurs essentielles de l’érotisme cruel depuis le marquis de Sade.
Cependant, il arrive tout aussi fréquemment que le couvent soit un lieu de bonheur sensuel. C’est le cas de Vénus dans le cloître ou La Religieuse en chemise (1683) de l’Abbé Du Prat, qui rapporte les aventures joyeusement licencieuses que sœur Agnès et sœur Angélique confessent à la mère abbesse du couvent. Ce roman est à la fois un roman d’éducation sexuelle à l’usage des jeunes filles et une fiction parfaite pour échauffer les sens des gentilshommes libertins que les mauvaises lectures émoustillent, sur le mode d’une étrange « contagion érotique »1. La promiscuité du couvent, comme celle du pensionnat chez Verlaine ou Louÿs, est alors une douce chimère, un fantasme. Dans l’imagerie populaire, de même, le Couvent des oiseaux est un éden, un paradis de captivité où, pendant la Terreur, rien ne manquait aux prévenus que le droit de sortir : ils y bambochaient tout à leur aise et se livraient, dit-on, aux orgies les plus raffinées. Il est piquant – et significatif – que ce couvent-prison soit devenu au XIXe siècle un pensionnat où des religieuses de la Congrégation de Notre-Dame se proposeront de donner « aux jeunes filles une éducation fondée sur une piété solide, d’orner leur esprit de connaissances utiles et de cultiver leur goût pour les travaux à l’aiguille et les arts d’agrément ».
Cependant, il arrive tout aussi fréquemment que le couvent soit un lieu de bonheur sensuel. C’est le cas de Vénus dans le cloître ou La Religieuse en chemise (1683) de l’Abbé Du Prat, qui rapporte les aventures joyeusement licencieuses que sœur Agnès et sœur Angélique confessent à la mère abbesse du couvent. Ce roman est à la fois un roman d’éducation sexuelle à l’usage des jeunes filles et une fiction parfaite pour échauffer les sens des gentilshommes libertins que les mauvaises lectures émoustillent, sur le mode d’une étrange « contagion érotique »1. La promiscuité du couvent, comme celle du pensionnat chez Verlaine ou Louÿs, est alors une douce chimère, un fantasme. Dans l’imagerie populaire, de même, le Couvent des oiseaux est un éden, un paradis de captivité où, pendant la Terreur, rien ne manquait aux prévenus que le droit de sortir : ils y bambochaient tout à leur aise et se livraient, dit-on, aux orgies les plus raffinées. Il est piquant – et significatif – que ce couvent-prison soit devenu au XIXe siècle un pensionnat où des religieuses de la Congrégation de Notre-Dame se proposeront de donner « aux jeunes filles une éducation fondée sur une piété solide, d’orner leur esprit de connaissances utiles et de cultiver leur goût pour les travaux à l’aiguille et les arts d’agrément ».
1Cf. Antonio Domínguez Leiva, « Ces Lectrices qui se caressent : théorie de la contagion érotique » in S. Hubier & A. Trouvé (éd.), Lecteur et lectrices, théories et fictions, Revue d’études culturelles, n°3, Dijon, Abell/ Cptc, 2007, p.35 sqq. Voir aussi, bien sûr, Jean-Marie Goulemot, Ces Livres qu’on ne lit que d’une main. Lecture et lecteurs de livres pornographiques au XVIIIe siècle, Paris, Minerve, 1994.
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