samedi 25 avril 2009

Schtroumpfs 1



Née après la guerre de Sécession, sous l’influence des Bilderbogen que les émigrants allemands avaient apportés avec eux aux Etats-Unis, c’est à partir des années 1880, et plus encore lors de la grande dépression des années 1930, que la bande dessinée s’imposa comme genre d’abord dans les quotidiens puis en recueils cartonnés. Elle est alors entrée en concurrence directe avec les autres média de la culture de masse : le cinéma et la radio s’adressant alors non à une classe sociale, mais à une classe d’âge, les enfants, les préadolescents et les adolescents. Et c’est aux jeunes enfants que seront encore destinés les Schtroumpfs, ces lutins malicieux apparus pour la première fois, en 1958, dans La Flûte à six trous, un épisode des aventures de Johan et Pirlouit, paru dans Spirou, où ils réapparaîtront périodiquement, la même année, dans Le Pays maudit, La Guerre des sept fontaines et Le Sortilège de Maltrochu. Dès 1959, les « petits êtres à la peau bleue hauts comme trois pommes »1 vivent leur propres aventures, seul le grand Schtroumpf se distinguant alors d’un peuple Schtroumpf indifférencié, ce monde décidément ne laissant guère de place à l’individu. On notera, par parenthèses, que les Schtroumpfs sont nés à la fois de la dérivation et du procédé du cross over, caractéristiques de la culture de masse, déterminée à la fois par la reproduction presque infinie de l’œuvre et par des règles financières très contraignantes qui ne peuvent être respectées qu’à la condition de susciter chez le lecteur ou le spectateur le principe de la reconnaissance plus que du décalage. Ces deux principes sont primordiaux tant dans la bande dessinée (Jérôme est un poursuite de Bob et Bobette et, dans un tout autre registre, The Ultimates est une spin off de The Avengers qui rapporte depuis les années 1940 les aventures de Captain America, emblème des idéaux américains de liberté, de tolérance et de justice) que dans le genre de la série télévisée (Models Inc découle de Melrose Place qui, elle-même, provient de Beverly Hills) et de la sitcom (Les Vacances de l’amour est un spin off d’Hélène et les garçons, elle-même dérivée de Premiers baisers qui émanait de Salut les Musclés). Parallèlement aux spin-off et aux croisements, l’adaptation joue un rôle capital dans la culture de masse, et, à l’échelle mondial, le succès de ces « petits nabots » bleus que sont les Schtroumpfs doit plus, assurément, à l’adaptation qu’Hanna et Barbera en firent pour la Warner Bros qu’aux albums de Peyo eux-mêmes. Mais ce qui suscita l’intérêt du public pour les nains de Peyo et leurs clones animés c’est peut être bien aussi leur valeur heuristique.
1 Peyo, Le Cosmoschtroumpf, Bruxelles, Dupuis, 1970, p.3.

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