mercredi 19 novembre 2008

Années folles 2



Odette représente bien, dans À l’Ombre des jeunes filles en fleurs (1919), « toute une époque » sujette aux métamorphoses : son corps est « découpé en une seule silhouette cernée tout entière par une “ligne” qui, pour suivre le contour de la femme, avait abandonné les chemins accidentés, les rentrants et les sortants factices, les lacis, l’éparpillement composite des modes d’autrefois, mais qui aussi, là où c’était l’anatomie qui se trompait en faisant des détours inutiles en deçà ou au-delà du tracé idéal, savait rectifier d’un trait hardi les écarts de la nature, suppléer, pour toute une partie du parcours, aux défaillances aussi bien de la chair que des étoffes. Les coussins, le “strapontin” de l’affreuse “tournure” avaient disparu ainsi que ces corsages à basques qui, dépassant la jupe et raidis par des baleines avaient ajouté si longtemps à Odette un ventre postiche et lui avaient donné l’air d’être composée de pièces disparates qu’aucune individualité ne reliait. La verticale des “effilés” et la courbe des ruches avaient cédé la place à l’inflexion d’un corps qui faisait palpiter la soie comme la sirène bat l’onde et donnait à la percaline une expression humaine, maintenant qu’il s’était dégagé, comme une forme organisée et vivante, du long chaos et de l’enveloppement nébuleux des modes détrônées »1.
1 M. Proust, À L’Ombre des jeunes filles en fleurs, Paris, Le Livre de Poche, 1992, p.200-201.

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