La mode à la garçonne – initiée par le scandaleux roman éponyme de Victor Margueritte (1922) – est, pour les bourgeoises d’alors, fondée sur « l’illusion d’avoir conquis des droits. Celui au moins de refuser le corset. Celui des grandes enjambées, celui des épaules à l’aise, de la taille qui n’est plus serrée »1. Ainsi, si les normes comportementales bourgeoises qui, on l’a vu, se sont empesées au XIXe siècle restent prégnantes dans les faits, les représentations du corps et du désir féminin qui se mettent en place autour de la Grande Guerre s’inscrivent dans un profond renouvellement des valeurs morales aussi bien qu’esthétiques — valeurs qui, pour l’essentiel, s’exercent encore aujourd’hui. C’est en effet dans les Années folles que s’impose, avec les loisirs, l’agrément des plages, de la mer et du soleil et que surgit l’idéal hédoniste du sea, sun, sex and sand régissant, dans toutes les classes sociales, la conception actuelle des villégiatures2. Chez Larbaud ou Montherlant, qui se livre à un double éloge passionné des jeunes filles et des coups de soleil, les vacances se ritualisent et s’érotisent, accompagnées qu’elles sont de l’observation de corps ensoleillés, qui, à demi-nus, associent, la grâce aux vertus du sport et des soins portés à soi-même. C’est durant l’entre-deux-guerres en effet que, se moquant comme d’une guigne des tristes conséquences du Black Thursday, la finesse, la vigueur et la gracilité s’imposent définitivement dans le canon occidental. Dès le début des années 1920, ce dernier s’incarne dans les corps mis au concours de miss et de reines de beauté qui, apparaissant comme une réponse à l’enlaidissement de la vieille Europe, sont soutenus par des discours hygiénistes, voire eugénistes. Silhouette haute, chair jeune, jambes interminables, ventre étroit, les règles de la beauté sont ainsi fixées qui réglementeront pour longtemps encore la vie quotidienne, l’érotisme et la pornographie de l’Occident bourgeois.
1 D. Desanti, La Femme au temps des Années folles, Paris, Stock, 1984.
2 Cf. M. Crick, « Representation of International Tourism in the Social Sciences : Sun, Sex, Sights, Savings and Servility » in Annual Review of Anthropology, n°18, 1989, p.307-344.
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