mercredi 23 avril 2008

Aristote chevauché II


Vêtu aussi le couple du Musée Municipal de Bâle, avec irruption de cet accessoire qui deviendra dominant, le fouet, au moment même où la flagellation est érotisée sous la plume de Pic de la Mirandole et où commence à s’affirmer, dans la poésie néo-pétrarquiste, la complicité de la douleur et du plaisir qui ne cessera de hanter la construction de la sexualité « moderne » d’Occident.

« Je connais, dit-il, et il existe encore, un homme dont le tempérament amoureux et les excès n’ont peut-être jamais eu d’exemple. Il ne peut caresser une femme, malgré la violence de ses désirs, s’il n’est auparavant fustigé. En vain sa raison lui fait regarder comme un crime ce raffinement de volupté, sa fureur pour ce cruel plaisir est telle qu’il encourage lui-même, et accuse de mollesse et de lâcheté celui qui le fouette, lorsque la fatigue ou la pitié lui font ralentir ses efforts. Le patient n’est au comble de ses plaisirs, qu’en voyant ruisseler le sang dont une grêle affreuse de coups a couvert les membres innocents du libertin le plus effréné. Ce malheureux réclame ordinairement pour ce service, avec les plus instantes supplications, la main de la femme avilie dont il veut jouir, lui donne lui-même les verges qu’il a fait tremper dès la veille dans le vinaigre, et lui demande à genoux la faveur insigne d’être ainsi déchiré. Plus elle frappe avec violence, plus elle acquiert de droits à son amour et à sa reconnaissance, en lui rendant des feux qu’il n’avait plus, jusqu’à ce que la dernière période de la souffrance et l’épuisement total de ses forces, lui fassent goûter la plénitude de la volupté en égale proportion. Trouvez un seul homme pour qui le comble de la douleur, et cette espèce de torture doivent être celui du plaisir, et si d’ailleurs il n’est pas entièrement corrompu, lorsque, de sang-froid, il connaîtra sa maladie, il rougira de ses excès et les détestera. »

(Pic de la Mirandole, Contre les astrologues, III, 27).

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