lundi 14 avril 2008

Lilith


La première femme à avoir voulu se mettre dessus –en fait la première femme tout court- fut Lilith.

Formée par le même procédé que celui employé pour Adam (et non pas de sa côte comme l’Eve future) mais avec des excréments au lieu de poussière « pure », Lilith fut une sorte de démone dont la monstrueuse descendance (fruit de l’union de ce Premier Couple hiérogamique) continue à terrifier l’humanité (notamment le vieux Asmodée).

Il se trouve que chaque fois qu’Adam voulait connaître Lilith bibliquement celle-ci protestait contre la position soumise que celui-là exigeait. « Pourquoi devrais-je être sous toi ? » demandait-elle. « Moi aussi j’ai été faite de poussière et suis, donc, ton égale ».

Quand Adam voulut la contraindre à se soumettre à ce qu’on appellera plus tard (et dans le contexte d’une autre religion) le « missionnaire », Lilith prononça le nom magique de Dieu et s’envola dans les airs. Elle alla sur la Mer Rouge, région où abondent les démons lascifs et copula frénétiquement pendant des siècles, engendrant plus de cent lilims par jour. Sommée par des anges à retourner auprès de son tyrannique mari, Lilith s’y opposa fermement.

Curieusement elle échappa à la mort, n’étant pas impliquée dans l’affaire de la Chute provoquée par sa succéseuse.

L’histoire nous est racontée, entre autres, dans le Yalqut Reubeni (ad. Gen. 2, 21 ; 4,8), collection de commentaires Kabbalistiques sur le Pentateuque compilée par R. Reuben ben Hoshke Cohen à Prague, au XVIIe siècle.

Le terme « Lilith » procède de l’assyro-babylonien lilitu « démon féminin ou esprit du vent ». R. Graves, dans Les mythes hébraïques, voit dans la figure biblique, selon son schéma héuristique habituel, un écho du conflit entre anciennes formes de culte matriarcales et celles du « putsch » patriarcal, clairement affirmé dans la soumission copulatoire.

Lilith représenterait alors le culte cananéen de la déesse Inanna (Anat), marqué par la promiscuité pré-nuptiale de ses prêtresses. Plusieurs prophètes accusèrent les femmes israéliennes de se prêter à ces pratiques, souvent avec la complicité des propres autorités hébraïques, sous prétexte de consacrer au « vrai Dieu » les intéressantes sommes ainsi obtenues.

Par ailleurs, dès les premières représentations sumériennes de l’acte sexuel on trouve l’homme gisant sous la femme, comme dans les reliefs consacrés aux Lamies, filles d’Hécate, figures avec lesquelles Lilith a été souvent comparée. L'écho biblique s'est sûrement nourri d'une iconographie similaire pour emblématiser l'insoumission de la première femme, source du mal d'avant la Chute même et préfiguration monstrueuse de l'Eve pécheresse.

La position coïtale est donc, dès le début, un dispositif corporel visant à inscrire le patriarcat dans le lit conjugal, légitimé sur le plan mythique par l’histoire ambiguë, entre terrifiante et secrètement alléchante, de Lilith.

C’est dans cette ambiguïté que la position mulier supra homimem va se situer pendant des siècles de culture judéo-chrétienne.

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