lundi 21 avril 2008

Prædatio

À y regarder de près, un drame comme Le Soulier de satin (1925), qui associe étroitement érotisme et mystique, s’inscrit encore dans le sillage de ce système baroque. C’est ce qu’indique clairement une analyse serrée de la célèbre scène de l’ombre double qui est « un remarquable exemple de théologisation du sensible », « non pas une rencontre, mais une métaphore de rencontre », une double scène d’amour et de conception spirituelle, l’examen de conscience partagée de Prouhèze et de Rodrigue, une représentation en abyme, enfin, vertigineuse, de l’ensemble du drame[1]. En outre, conformément à la logique érotique baroque, le drame de Claudel revivifie le canevas de la prædatio, qui, se fondant, dans l’imaginaire occidental, sur la superposition du ravissement[2] et de « la formalité ancestrale du rapt »[3], est central dans la littérature et la peinture de Virgile à Robbe-Grillet et de Rubens à Picasso en passant par Sade et Delacroix.



[1] Voir D. Millet-Gérard, Formes baroques dans le soulier de satin. Étude d’esthétique spirituelle, Paris, Champion, 1997, p.167 sqq.

[2] Cf. R. Barthes, Fragment d’un discours amoureux, Paris, Seuil, coll. « Tel Quel », 1977, p.223-229.

[3] R. Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Paris, Seuil, 1977, p.228.



Sébastien Hubier

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