Selon une vieille tradition hébraïque le Déluge aurait été causé par une étrange position coïtale. La femme sur l’homme, figure inversée du rapport hiérarchico-copulatoire.
Cette aberration s’inscrit dans une série de bouleversements sexuels dans la Création où non seulement l’homme butine les bêtes mais les étalons les mules, les chiens les louves, les serpents les tortues… Et partout, dans toutes les espèces ainsi croisées, s’affirme physiquement la domination féminine.
Noé reçoit alors l’ordre de se poster devant son arche et d’observer les couples de créatures qui se rapprochent de lui. Si le mâle domine la femelle de son espèce, selon les ordres du Seigneur, tous deux sont admis. Dans le cas contraire ils sont exclus, condamnés à périr sous les flots.
Le Tanhuma Noah du IVe siècle en parle déjà (12), repris par le Genesis Rabba, midrash sur le livre de la Genèse, au siècle suivant (287, 293). La scène réapparaît dans le Talmud Babilonien du VIe siècle, dans le traité relatif au Sanhédrin (108a-b).
Pirque Rabbi Eliezer, midrash sur l’œuvre de Dieu dans la Création, une des histoires les plus anciennes d’Israël composée vers le IXe siècle en Palestine reprend la tradition (ch. XXIII) ainsi que le midrash tardif Sepher Hayashar, composé en Espagne au XIIe siècle (17).
On voit le rapport quasi symétrique avec l’histoire fondatrice de Lilith. Dans les deux cas la position sexuelle marque une transgression qui appelle un recommencement mythique.
La légende se retrouve bientôt sous la plume des théologiens chrétiens, notamment à travers l'intermédiaire de l'Espagne. Ainsi, à la demande de Jean XXII le franciscain Alvaro Pelayo entame vers 1330 son De planctu ecclesiae, "peut-être le document majeur de l'hostilité cléricale à la femme (...), appel à la guerre sainte contre l'alliée du diable"[1].
Dans cet incroyable catalogue hétéronomique des vices de la femme il nous est ainsi rappelé que « elle s’accouple avec le bétail, se met sur l’homme dans l’acte d’amour (vice qui aurait provoqué le déluge), ou, « contre la pureté et sainteté du mariage », accepte de s’unir avec son mari à la façon des bêtes »[2].
Entre ainsi dans l’histoire dite "occidentale" la figure transgressive de la femme supra-coïtale qui ne cessera de la hanter, discrètement mais sûrement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire