jeudi 17 avril 2008

Sensualité baroque



Le 8 novembre 1620, sur une petite butte de l’Ouest de Prague, les soldats catholiques de l’armée impériale écrasent les troupes protestantes. Bien sûr, les intrépides manœuvres du comte de Tilly, cet ancien élève des Jésuites qui guerroyait depuis près de quarante ans pour une plus grande gloire de Dieu et qui commandait alors la Ligue catholique, sont pour beaucoup dans cette victoire : nombre d’officiers admirent encore aujourd’hui la virtuosité avec laquelle furent menés le franchissement du pont, la percée de vive force, portée au centre sous le feu nourri de l’artillerie, les combats acharnés sur le flanc gauche des régiments tchèques. Mais, même aux armées les plus aguerries et aux plus fins stratèges, il faut – pour soutenir leur cause qui coûte la vie à tant de camarades – le secours des mystères de la foi. On raconte ainsi qu’au moment où l’issue de la mêlée était encore incertaine, un insigne de la Vierge que portait au cou l’aumônier général brilla soudain de mille feux, éblouissant les hérétiques, semant parmi eux la confusion, entraînant leur débandade. Cette bataille de la Montagne Blanche consacre le triomphe des Habsbourg et ouvre la voie à la Contre-Réforme comme à la germanisation des pays tchèques : Ferdinand, couronné empereur, confisque les richesses de la noblesse protestante au profit de l’Église catholique ; de nombreux et opulents domaines reviennent aux commandants victorieux ; la religion catholique est désormais seule autorisée — ceux qui auraient l’audace de la récuser encore étant, sans ménagement, chassés du pays. C’est pour célébrer ce succès, qui redessine pour longtemps la carte de l’Europe, que, sous la direction de Maderno, est construite, à Rome, à quatre pas des thermes de Dioclétien, Santa Maria della Vittoria d’abord dédiée à Saint Paul – qui, comme saint Sébastien et saint Roch, servit dans l’armée romaine avant d’être un soldat du Christ distinguant par le glaive le mensonge et la vérité, la vanité et la véritable ferveur – avant d’être vouée à la Victoire.

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